Mes chroniques sexo

Tous les mois, je vous propose une chronique sexo à la fois divertissante et exigeante. Voici la première d’une série de quatre sur les #fails du sexe :

Le moment Gê.nant : quand mon partenaire a une drôle de tête pendant l’orgasme

Ado, j’ai lu pas mal de conseils sexo anxiogènes dans les magazines féminins. Des articles centrés sur le plaisir visuel et sensoriel des hommes, sur ce qu’il faudrait faire pour les séduire, les faire bander... Adulte, j’ai repensé à ces innombrables moments que j’ai passés à poil à essayer de faire du bien au mec au lieu d’essayer de me faire du bien à moi. J’ai repensé à tous ces complexes que je me suis traîné parce qu’en levrette j’avais mal, parce que ma mâchoire ne s’ouvre pas très grand, et que du coup c’est pas gagné pour une fellation digne de ce nom. J’ai repensé à toutes ces fois où je me suis demandé si j’étais ou non sur le "marché de la bonne meuf", pour citer Virginie Despentes, à toutes ces rencontres où j’ai avant tout voulu être un "bon coup"… Et ça m’a mise en colère contre les magazines féminins des années 2000. 

On est en 2023, j’ai décidé de prendre la plume à mon tour pour écrire ce que j’aurais aimé y lire à 20 ans. Pour parler de désir, de plaisir, d’explorations, de découvertes qui changent tout. Et de fails, aussi.

Moments de gêne, de solitude, de fou rire — au mieux — ou de trauma — au pire — les fails sont la zone d’ombre du sexe, les grands inmontrés des scènes intimes, que ce soit au cinéma ou dans le porno. Les films et les vidéos dépeignent très largement le plaisir comme quelque chose d'instinctif, de quasi télépathique, qui se passerait de communication. Quand je suis entrée dans la sexualité, à 15 ans, je suis un peu tombée de ma chaise. Moi qui avais l’impression qu’il suffirait de se désirer l’un l’autre et de s’arracher nos jeans pour jouir de concert, j’ai découvert qu’en fait, le sexe, c’est plein de tâtonnements, de malentendus, et qu’il y a même quelques échecs cuisants. Comme on ne nous éduque pas du tout du tout à parler franchement et librement de sexe ; devant une situation inattendue, on est un peu comme des poules devant un couteau. En 25 ans, j’ai fait quelques progrès, mais encore aujourd’hui, il m’arrive de rester comme une poule devant un couteau quand les choses me surprennent ; à ne pas savoir quoi dire, quoi faire, quoi ressentir, même.

JE ME SUIS DIT QUE J’ALLAIS FERMER LES YEUX QUAND IL JOUIRAIT

L’été dernier, je fréquentais un garçon joli comme un cœur. Je l’avais rencontré sur une appli, il était mignon comme tout, sportif, pas inintéressant, un peu torturé — ce qui peut ajouter une touche hot quand on ne ne les fréquente pas de trop près, je trouve. Les premières fois qu’on a baisé, j’étais à fond. Je ne sais pas ce que je faisais, je devais avoir les yeux fermés ou bien le visage niché dans son cou, ou peut-être enfoui dans l’oreiller. En tout cas je n’avais pas trop le visuel, j’étais plutôt focalisée sur son odeur, le toucher de sa peau, le goût de sa salive, de son sexe, les sensations dans mon corps. Après quelques semaines, j’ai du redescendre un peu de mon high, parce que j’ai commencé à le regarder pendant le sexe. Et c’est là que je l’ai interceptée. Sa tête, quand il jouissait. Le menton rentré dans le cou, la lèvre supérieure retroussée, les yeux fermés désespérément. Je me suis immédiatement rappelé un passage de l’Insoutenable légèreté de l’être, de Kundera (comme quoi la littérature peut vraiment nous sauver à des moments critiques comme celui-là): "Il ressemblait à un petit animal qui est encore aveugle et fait entendre des sons pitoyables parce qu’il a soif." Sabina compare son amant Franz à un corps "se débattant sur elle avec les yeux fermés", "un chiot géant"... Et puis à la fin du paragraphe, elle décide de rompre. 

Je n’avais pas envie d’en arriver à une telle extrémité, cet amant avait plein de choses cool à offrir, comme des cunilingus très honorables, et du coaching à la course à pied. J’ai tenté la méthode Coué. J’ai essayé de me dire que c’était chouette, de voir ce côté-là de lui, j’étais témoin de son lâcher prise, j’entrevoyais un côté vulnérable, c’était attendrissant. Échec : la fois suivante, même avec mes nouvelles lunettes empathiques, sa cum face m’a de nouveau mise mal à l’aise. Plan B. Je me suis dit que j’allais fermer les yeux quand il jouirait. Ça a l’air tout con, dit comme ça. Mais on ne jouissait pas ensemble, et bien souvent je l’accompagnais avec ma main vers son orgasme. Me dépêcher de fermer les yeux au moment crucial de sa jouissance était très peu naturel, pour ne pas dire franchement inassumable.  

JE ME SUIS SENTIE TRÈS LIBRE

Un soir, alors que c’était plutôt lui qui venait chez moi d’ordinaire, je suis allée dormir chez lui. J’ai découvert qu’il était adepte des volets hermétiquement fermés. On s’est retrouvé au lit dans une obscurité absolue. Le noir total peut m’angoisser, mais là, je me suis simplement réjouie de ne pas avoir à me préoccuper de sa grimace. Et au bout d’un moment, j’ai réalisé que… moi aussi je pouvais me mettre à faire des grimaces ! Dans le noir total, j’ai tordu la bouche, crispé les yeux, dévissé ma machoire inférieure, tout ça dans une insouciance totale. Et c’était vachement bien. Je me suis sentie très libre. 

Se laisser aller à gémir bruyamment pendant le sexe peut avoir un effet autoentraînant, on s’entend, on s’excite d’autant plus. Ça, pour moi, c’était acquis, je me laissais aller à tout un tas de grognements et autres sonorités spontanées. Mais j’étais, sans m’en rendre compte, dans le contrôle des expressions pendant le sexe. Voilà sans doute ce qui me perturbait tant dans sa grimace à lui. Ce soir-là, dans l’obscurité, j’ai découvert que les grimaces, c'est comme les ahanements, les soupirs, les gémissements. Ça excite, ça entraîne, ça fait du bien ! On a beaucoup rebaisé dans le noir total. Puis on s’est quitté, mais pas pour une histoire de triple menton pendant l’orgasme. J’ai emporté avec moi la libération des muscles de mon visage pendant le sexe. Et avec le nouvel amant que j’ai rencontré un peu plus tard, j’ai joué à continuer de faire les mêmes têtes complètement freestyle que je ferais pendant une bonne séance de sexe solo avec mon aspirateur à clito. Mais cette fois, en pleine lumière. 

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